
Pour les chrétien.e.s, la prière n’est pas une activité spécialisée, confinée à un seul domaine de la vie. Il s’agit plutôt de grandir dans ce que Saint Paul appelle « la mesure de la pleine stature du Christ » (Ephésiens 4 :3). C’est grandir dans le genre d’humanité que le Christ nous montre.
Saint Paul nous dit aussi que « Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie : Abba ! Père ! » (Galates 4,6). L’apôtre décrit une nouvelle façon de parler à Dieu : en tant que Père – et c’est l’œuvre de l’Esprit de Jésus. Avant toute chose, la prière chrétienne consiste à laisser la prière de Jésus s’accomplir en vous.
La prière que Jésus lui-même a enseignée à ses disciples l’exprime clairement : « Notre Père ». Souvent, nous sommes invités à nous joindre à cette prière par les mots « nous osons dire… ». Nous sommes confiants dans le fait que nous nous tenons là où Jésus se tient et que nous pouvons dire ce qu’il dit.
Dans la prière, nous pouvons apporter n’importe quoi, dire n’importe quoi à Dieu. Mais au fur et à mesure que nous apprenons à mieux connaître Jésus, au fur et à mesure que nous grandissons dans la foi, nous nous apercevons que ce que nous voulons dire commence à s’aligner sur ce que Jésus dit toujours à son Père. En laissant Jésus prier en nous, nous sommes unis à son amour éternel pour l’amour éternel d’où jaillit sa propre vie.
Rien de tout cela ne se fait du jour au lendemain. Laisser Jésus prier en nous est un processus long et souvent difficile par lequel nos pensées égoïstes, nos idéaux et nos espoirs s’alignent progressivement sur lui. Nous voyons la même chose dans la vie terrestre de Jésus : ses peurs, ses espoirs, ses désirs et ses émotions humaines ont dû être replacés dans le contexte de son amour pour le Père. Ce processus n’a jamais été aussi aigu que dans le moment de douleur suprême et d’agonie mentale que Jésus a enduré la nuit précédant sa mort.
Le nom même que nous donnons communément à la prière que Jésus nous a enseignée – le Notre Père – affirme la relation dont découle tout le reste. Cette prière envisage un monde complètement ouvert et transparent à Dieu : que ton règne vienne, que ta volonté soit faite – en d’autres termes, que ce que tu veux, ô Dieu, brille dans ce monde et façonne le genre de monde qu’il va devenir. Ce n’est qu’après avoir fait cette affirmation que nous passons à la demande de ce dont nous avons besoin : subsistance, miséricorde, protection, pain quotidien, pardon. Nous demandons également d’être écartés des épreuves que nous ne sommes pas assez forts pour supporter.
Origène (+254), l’un des premiers grands maîtres de l’Église, nous offre la première réflexion approfondie sur le Notre Père. Il s’agit d’un traité très pratique, qui souligne, par exemple, qu’être prêt à prier signifie être en paix avec les autres. La réconciliation active avec les autres fait partie des exigences de la prière. Il en va de même pour la générosité envers les nécessiteux. Origène affirme qu’en désapprenant nos habitudes d’égoïsme et en apprenant à voir le monde et les autres à la lumière de Dieu, nous passons à un état où « toute notre vie dit : Notre Père ».
Kevin+